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Jurisprudence et sécurité en copropriété

Jurisprudence et sécurité en copropriété

Auteur : CHARLES-NEVEU Brigitte
Publié le : 26/10/2011 26 octobre oct. 10 2011

Les petites copropriétés peuvent succéder à des indivisions successorales : désireux de sortir de l’indivision, des indivisaires sollicitent les professionnels du droit pour accompagner un partage amiable ou engager une procédure de partage judiciaire.

La jurisprudence semble recéler un certain nombre de pièges …

Quelques pièges de procédure :Comme celui qui paraît résulter d’un arrêt du 06/07/2011 (Cass. Civ. 3ème n°10-14.780) : l’article 49 du décret de 1967 (désignation d’un administrateur provisoire en cas de carence du syndic) ne prévoit pas un mode de saisine du président du TGI lui donnant compétence au fond …

Pourtant, lorsque le juge statue « comme en matière de référé » ou « en la forme des référés », précisément, il ne statue pas « en référé », et sa décision est une décision au fond.

Ce qui conduit à invoquer le nouvel article 492-1 du CPC créé par décret 2011-1043 du 01/09/2011 aux termes du quel : A moins qu'il en soit disposé autrement, lorsqu'il est prévu que le juge statue comme en matière de référé ou en la forme des référés, la demande est formée, instruite et jugée dans les conditions suivantes :

1° Il est fait application des articles 485 à 487 et 490 ;
2° Le juge exerce les pouvoirs dont dispose la juridiction au fond et statue par une ordonnance ayant l'autorité de la chose jugée relativement aux contestations qu'elle tranche ;
3° L'ordonnance est exécutoire à titre provisoire, à moins que le juge en décide autrement.

Et toujours : la difficulté née de la rédaction des articles 29-1 A et 29-1 B de la loi de 1965 (issus de la loi 2009-323 du 25.03.2009) : l’article 29-1 B prévoit que le président du TGI est saisi dans les conditions prévues à l’article 29-1 A, et statue par ordonnance sur requête ou comme en matière de référé, pour désigner un mandataire ad hoc à la copropriété en difficulté.

Mais précisément, l’article 29-1 A prévoit que le président peut être saisi soit par le syndic par voie de requête, soit par des copropriétaires (représentant 15% des voix du syndicat) en référé … Le président saisi en référé peut-il statuer comme en matière de référé ?? (Voir P. Capoulade D. 2010 panorama p. 112)


Quelques pièges pour les syndics

Par l’effet rétroactif de l’annulation de l’AG qui l’a désigné, le syndic n’avait plus cette qualité lors de la convocation d’une AG ultérieure (Cass. Civ. 3ème 08/06/2011 n° 10-20.231)

La rétroactivité de l’annulation rend « annulables » les actes accomplis postérieurement, ce qui n’est tout de même pas un gage de sécurité pour les copropriétés concernées !

(Voir également : Cass. Civ. 3ème 07/09/2011 n° 10-18.312 ou encore, dans le cas du non respect de l’obligation de désigner le président et les scrutateurs par des votes distincts : Cass. Civ. 3ème 07/09/2011 n° 10-22.728)

V. cependant Cass. Civ. 3ème 08/06/2011 n° 10-15.484 : la notification du PV d’AG opérée par un syndic irrégulièrement désigné est valable …

La contradiction n’est qu’apparente, la convocation à l’assemblée générale, et la simple notification du PV n’étant pas des actes de même portée.


… Et pour les avocats:

Le récent arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme du 30/08/2011 (Boumaraf / France n° 3282008) en exigeant qu’un revirement d’une jurisprudence bien établie soit suffisamment motivé, marque assurément une grande avancée en termes de sécurité juridique.

En matière de copropriété, il y aurait sans doute de bonnes raisons de changer certaines jurisprudences bien établies …





I – La problématique des « petites » copropriétés
(Copropriétés inorganisées, à deux lots, cas des maisons de village, maisons de famille, …)

En pratique, ces petites copropriétés peuvent succéder à des indivisions successorales ou post communautaires : désireux de sortir de l’indivision – qui n’est après tout qu’une étape – des indivisaires (cohéritiers, ex époux) sollicitent les professionnels du droit (avocats, notaires) pour accompagner un partage amiable ou engager une procédure de partage judiciaire.

Le partage en nature d’un même immeuble bâti peut déboucher sur la création de lots de copropriété (le rez de chaussée de la maison à Pierre, l’étage à Paul).

Et l’on passe alors - même en l’absence de règlement de copropriété, même si les parties communes ne sont pas déterminées (Cass. Civ. 3ème 17/11/2010) –, d’une indivision somme toute assez souple à une copropriété impliquant pour les parties communes indivision perpétuelle et forcée dont on ne peut plus sortir, sinon de façon exceptionnelle et sous certaines conditions (notamment pluralité de bâtiments), que par le biais d’une scission (article 28 de la loi de 1965 …)

L’avocat, le notaire, pensent-ils toujours à avertir leurs clients des conséquences de ce changement de régime ? Appellent-ils suffisamment leur attention sur les difficultés qui découlent de l’application impérative du statut de la copropriété, lequel impose notamment :

- l’établissement d’un règlement de copropriété et d’un EDD
- la désignation d’un syndic
- la tenue des AG annuelles
- la tenue d’une comptabilité, les appels de fonds
- la mise en cause du syndicat en cas d’action individuelle
- l’information de l’acquéreur en cas de cession de lot, (risque d’annulation, pas de garantie pour le paiement des charges, remise en cause des travaux réalisés, …)
- la prise de décision selon le principe majoritaire (très commode quand on est deux et qu’on n’est pas d’accord …)

En l’absence de fonctionnement normal de la copropriété, il n’y aura même pas de possibilité d’invoquer la déchéance de l’article 42 (al. 2) de la loi …

L’examen de la jurisprudence révèle un certain malaise, tant l’inadaptation de la loi de 1965 à ces toutes petites copropriétés est flagrante.

(voir par exemple : Cass. Civ. 3ème 29/03/2011 n° 10-16487 - Cass. Civ. 3ème 06/09/2011 n° 10-25092 - CA MONTPELLIER 1ère ch. B 07/06/2011 n° 09/07896)

Les solutions qui ont été proposées :
- la bonne foi (1134 CC), l’usage antérieur, la gestion d’affaires,
- la substitution de la décision judiciaire à la décision majoritaire,
- le retour à l’esprit de la loi,
Ont été pour l’instant écartées.

Il est vrai que lorsqu’on tente de plaider « l’esprit de la loi », on sent bien que c’est un message qui passe mal …

En attendant une intervention législative qui serait pour cette fois bienvenue, il faut sans doute, comme nous y invite la doctrine la plus éclairée, persister à rappeler que la loi de 1965 n’a pas été conçue pour ces petites copropriétés, et qu’il est parfois légitime de s’en écarter.

(Voir Ch. ATIAS Annales des Loyers mai juin 2011 p. 877 et suiv. « Il faudrait cesser de croire que le formalisme et la conception disciplinaire de la copropriété sont, en tous cas, des gages de sécurité pour les copropriétaires » … et pour les professionnels du droit !)

Pour mémoire, une piste originale : la division en volumes (voir Nicolas Le Rudulier, JCP éd. Not. N° 14, 08/04/2011, p. 1120 et suiv.), retour à l’ancien article 664 du code civil ?


II – L’habilitation régulière du syndic à agir en justiceLe principe est posé à l’article 55 du décret de 1967, avec ses exceptions (référés, défense, mesures conservatoires, recouvrement de charges, exécutions, désignation d’un mandataire ad hoc ou d’un administrateur provisoire, …)

(A noter, cet arrêt du 10/02/2011 -Cass. Civ. 3ème n° 10-30.576 - qui dispense le syndic d’autorisation pour agir en liquidation de l’astreinte ordonnée par le juge des référés dès lors que ce dernier s’est réservé le pouvoir de la liquider.)

En matière de responsabilité des constructeurs, la jurisprudence a précisé les conditions que devrait remplir l’habilitation :

- identification des parties assignées (voir cependant Cass. Civ. 3ème 09/02/2011 n° 10-10.599 : l’autorisation donnée au syndic vaut, à défaut de limitation de ses pouvoirs, à l’égard de l‘ensemble des personnes concernées par l’obligation de garantie décennale des constructeurs et assureurs, …)
- de la nature de l’action engagée et de l’objet des demandes
- de la nature exacte et du siège des désordres

A défaut de régularisation dans le délai décennal, l’action sera jugée purement et simplement irrecevable (Cass. Civ. 3ème 13/01/2011 n° 09-71765 - Cass. Civ. 3ème 06/09/2011 n° 10-19327 :« ayant exactement retenu que l’autorisation donnée après l’expiration du délai de prescription de l’action en garantie décennale n’avait pu avoir pour effet de couvrir la nullité de fond affectant l’assignation pour défaut de pouvoir du syndic, la cour d’appel, par ce seul motif, a légalement justifié sa décision »

(comparer : C.E. 11/05/2011 n° 327690)

Les conséquences sont terribles : condamnation à restitution des fonds perçus en exécution des décisions rendues, qui auront souvent déjà été utilisés pour réparer des malfaçons avérées, et actions en responsabilité contre le syndic et … l’avocat !

Cette position se fonde sur l’article 117 du CPC au terme duquel le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant d'une personne morale constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte.

Elle paraît incontournable …

Pourtant, certains auteurs ont soutenu que toute partie n’est pas fondée à se prévaloir de cette irrégularité de fond : celui-là seul que la loi a entendu protéger a qualité pour la soulever…

Il n’est pas douteux en l’espèce que la loi a seulement voulu mettre les copropriétaires à l’abri d’actions intempestives engagées à leur insu par leur syndic, les exposant à des frais, des indemnités (art. 700 CPC), peut-être des dommages et intérêts, voire une amende civile.

Tel ne saurait être le cas d’une action en réparation des malfaçons affectant l’immeuble !

« L’exception de procédure, tirée du défaut de pouvoir du représentant de la personne morale est institué dans l‘intérêt du représenté ; dès lors qu’il n’y a pas de doute sur la volonté de la personne morale d’agir en justice, la partie adverse ne doit pas pouvoir tirer parti de l’irrégularité commise » Ch. ATIAS chronique DALLOZ 2008 n° 32 p. 2241 (également, chronique DALLOZ 2011 n°10 p. 701)

S’il n’est pas de droit acquis au maintien d’une jurisprudence constante, nul n’est davantage voué au maintien d’une telle jurisprudence, et il faut, obstinément, plaider pour un retour à l’esprit de la loi, qui sera, peut-être, un jour entendu …

Sur le même sujet ...Voir l'article de Brigitte Charles-Neveu Loi, sécurité et copropriété.



Cet article n'engage que son auteur.

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